Violences sexuelles, propos de la sociologue Maryse JASPARD

    Les dépôts de plaintes pour violences sexuelles ont augmenté de 30 % en octobre 2017 par rapport à 2016, d’après la gendarmerie nationale, soit + 360 faits.

Cette libération de la parole et cette prise de conscience touchent-elles toutes les catégories sociales ?

Les violences sexuelles et sexistes sont actuellement dénoncées essentiellement dans les milieux où les enjeux de pouvoir et de représentation sont particulièrement forts : la politique, les médias et les milieux artistiques. On s’intéresse moins aux conditions de travail dans les milieux précaires. Or, notre enquête avait montré que le harcèlement touchait davantage les personnes en emploi précaire, comme dans les sociétés d’entretien, par exemple. En effet, on s’attaque plus facilement aux personnes fragiles. Or, la précarité est une forme de vulnérabilité, d’autant plus forte en période de chômage élevé. Pour atteindre tous les milieux sociaux, il faudrait le temps d’une génération en commençant à lutter contre le sexisme dès la maternelle.

Que pensez-vous du contenu du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes annoncées par le gouvernement pour 2018 ?

Les plans interministériels de lutte contre les violences faites aux femmes se sont succédé depuis 2005. Ils étaient très complets, mais les moyens n’ont pas suivi et ont été très inégaux selon les régions. Résultat : il existe de véritables déserts en matière de couverture des violences faites aux femmes, en particulier en milieu rural. Le projet de loi annoncé récemment prévoit surtout de renforcer la pénalisation de ces actes de violences. Il existe déjà des lois sur le viol, les agressions sexuelles ou le harcèlement. Ce dernier a été précisément défini dans un texte de 2012. Il faudrait déjà l’appliquer.

Concernant l’établissement d’un âge en dessous duquel un ou une jeune serait présumé(e) non consentant(e), il semble en revanche nécessaire de légiférer sur ce point. Mais globalement, le cœur du problème se situe dans la prévention. Il y a aussi un besoin d’écoute, de solidarité et de prise en charge. Il faut parvenir à changer les mentalités. Le harcèlement, par exemple, est un mode de rapport entre les femmes et les hommes. Ce n’est pas une verbalisation qui va changer les choses, mais l’éducation.

r Propos recueillis par Claire Alet  pour Alternatives Economiques